L’Expo 67 à Montréal ! L’été de mes treize ans. J’y ai fait une quinzaine de visites malgré la distance Montréal-Grand-Mère. Pour un adolescent comme moi, avoir 62 pays à visiter dans le même environnement c’était le bonheur total. Je n’avais jamais vu autant de monde au même endroit dans une même journée. Pour moi, petit gars de région, mes seules expériences de « foule » se limitaient à quelques visites au Forum de Montréal pour y voir les Canadiens. Mais ce que je retiens de ces milliers de visiteurs, c’était la diversité des peuples, les habillements colorés, le sourire des gens et leur patience. Car les files d’attente étaient longues !
Que dire de l’architecture des pavillons ! On les reproduirait dans une exposition universelle des années 2000 et ils cadreraient toujours dans le décor. Tout me fascinait : les canaux, les immenses fontaines, les lampadaires, le mini-rail … même les espaces de téléphones avec leur « chapeau » rond pour protéger les utilisateurs de la pluie.
Comme je me rendais à l’expo en voiture avec ma famille ou de la parenté, un de mes souvenirs était ces immenses stationnements et pour y retrouver notre voiture à la fin de la journée, les grands panneaux d’animaux accrochés aux lampadaires. Je disais à mon père : « C’est facile de se retrouver, on est sous la girafe ! »
Quelques films dans les pavillons m’ont particulièrement impressionné. Celui du Pavillon du téléphone était magnifique. On oubliait vite les heures d’attente même si on devait rester debout pour voir ce film 360 degrés. J’ai été impressionné aussi par celui de la Tchécoslovaquie qui parfois s’interrompait et les spectateurs votaient pour décider de la suite des choses. Et quand il faisait trop chaud, mes parents nous amenaient voir le film du pavillon thématique des régions polaires. Il y faisait frais. Cela reposait nos pieds et calmait les enfants.
Je n’avais pas peur des hauteurs. J’aimais mieux gravir rapidement les escaliers de la pyramide inversée du pavillon du Canada que de prendre le petit ascenseur vitré. Par contre le très long escalier mobile à l’intérieur du pavillon des États-Unis était impressionnant. Et grimper sur le dernier balcon du pavillon de la France me fascinait. On pouvait voir les milliers de visiteurs circulés tout en bas. Et à la Ronde, le téléphérique au-dessus du lac des Dauphins nous donnait le vertige surtout quand il ventait un peu. Mais on aimait ça. On était jeune.
Les odeurs de nourriture et tous ces restaurants ! Que de découvertes. Je pense que c’est à l’Expo 67 que j’ai mangé de la pizza pour la première fois ! Mais en famille, on amenait souvent un lunch. Mon père louait un casier. On y plaçait les sacs et on partait à la découverte des pavillons. À l’heure du dîner, mes parents avaient identifiés quelques endroits plus calmes avec tables à pique-nique ou simplement du gazon et on dégustait nos sandwiches. Nos endroits favoris : le parc derrière le pavillon de l’Allemagne quand on était sur l’île Notre-Dame et les bancs & tables au rez-de-chaussée du pavillon de la Scandinavie quand on était à l’île Ste-Hélène.
J’étais un « ramasseux » de dépliants. J’amenais toujours un sac à dos ou à poignées, vide bien sur, pour le remplir de tout ce qu’on pouvait donner dans les pavillons. J’ai même pris en cachette au pavillon des États-Unis quelques petites roches dans l’espace lunaire, tout près des capsules spatiales noircies par leur retour sur terre. Heureusement qu’un gardien ne m’a pas vu faire. J’ai encore ce précieux souvenir tout comme mon passeport, mon guide officiel, la plaque d’immatriculation de la voiture de mon père avec le logo de l’expo, des cartes postales, des centaines de découpures de journaux, des verres et une collection dont je suis bien fier, les capsules de bouteilles de bière Dow sur lesquelles on retrouvait les pavillons de l’expo. J’avais passé le mot d’ordre dans la grande famille de mon père … achetez cette marque là et gardez-moi les capsules.
Ce qui était impressionnant aussi ce sont ces groupes d’enfants (écoles primaires sans doute), attachés les uns aux autres pour ne pas se perdre, avec quelques profs ou parents à leurs côtés. Car avec des journées de 300 et 400 mille visiteurs, fallait ne pas trop s’éloigner du groupe. Moi j’ai 2 sœurs et un frère plus jeunes que moi. Quand on était à l’expo, je me souviens que mon père choisissait toujours un endroit facile à retrouver pour s’y donner rendez-vous au cas où on se perdrait. Que de prévoyance ! Mais cela ne s’est heureusement jamais produit.
Que dire des estampes dans les passeports. C’était la folie furieuse. Après avoir attendu plusieurs minutes pour entrer dans un pavillon, il y avait parfois une autre file d’attente pour faire étamper notre passeport. Mais quelle bonne idée. Plusieurs étaient électroniques avec la date et parfois l’heure. Aujourd’hui avec notre passeport on peut retrouver les dates de nos visites. Mais il y avait aussi un inconvénient à ces machines automatiques : elles manquaient souvent d’encre. J’étais alors grandement déçu ! Par contre les hôtesses étaient assez vigilantes et réagissaient vite : une étampe manuelle était toujours disponible. Et je me souviens de la belle Lucie, hôtesse au pavillon de la République du Rwanda dans la Place d’Afrique qui a même autographié mon passeport. Quelle fierté pour un jeune homme de 13 ans !
Un mot en terminant sur les spectacles de l’Expo. Je me souviens surtout celui du Cirque Ringling Bros. Barnum & Bailey à l’autostade et les démonstrations de ski nautique à la Ronde. J’adorais les soirées à l’expo, tous les pavillons illuminés et surtout les ballades et les amusements à la Ronde. Pas surprenant qu’on s’endormait rapidement dans la voiture durant le voyage de retour. Je devais déjà rêver à ma prochaine visite. Merci à mes parents André et Rollande, aujourd’hui décédés, qui m’ont permis de faire ces belles découvertes et qui m’ont accordé leur permission d’accompagner la parenté dans ce monde fascinant que fut l’Expo 67.
Jean Huard
Notre-Dame-du-Mont-Carmel
Québec, Canada
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